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Trois fois rien
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Et moi, c'est à mon risque de peine que je connais ma joie.

Antoine de Saint-Exupéry, Sept lettres à Natalie Paley
26 septembre 2014

Juillet 2014

(Petite parenthèse / retour en arrière dans le récit de l'été portugais... Car juste avant, il y a eu l'été à la mer...)

Rien ne s’est passé comme prévu, et c’était très bien. Si on avait fait comme d’habitude, on serait resté à la maison, à juste profiter d’avoir du temps, organiser quelques sorties dans les arbres ou près de l‘eau avec les amis dont beaucoup ne partent pas en vacances, bricoler, s’ennuyer aussi un peu, c’est bien aussi de s’ennuyer de temps en temps. Mais il se trouve qu’il y a maintenant deux chambres sous les toits, dans cette maison qui n’est pas tout à fait la nôtre et ne ressemble plus à nos (mes) souvenirs, mais où nous pouvons au moins dormir et être reçus aimablement. Après des années à pleurer sur les liens défaits ou inexistants, à désespérer que tout prenne l’eau -aux sens propre et figuré!- pour finalement abandonner la partie et se résoudre à s’enraciner ailleurs avec ses souvenirs dans un coin de la tête… Après avoir fait le deuil du figuier symbolique, vendu pour malade puis abîmé par quelque tempête… et avoir souri en voyant au cimetière, celui resplendissant qui veille sur les tombes des aïeux… Après s’être résolue à ne plus entretenir qu’un minuscule jardin de graviers et avoir ri aux éclats un premier novembre quand, sous des trombes d’eau, nous avons planté dans la boue un rosier blanc et un pied de lavande sur la tombe de Victor et Marie (on peut être désespéré et joyeux!)… Après tout ça, l’idée ne nous effleurait même plus de faire de cette maison un peu la nôtre, ne serait-ce que le temps d’un été. S’il n’y avait eu l’Atelier d’Anne à tenir le temps d’un grand week end, et la promesse d’amis à retrouver, peut-être que rien ne se serait passé. Et nous voilà pourtant comme de vrais vacanciers à poser nos sacs sous les toits et entasser nos vélos dans le garage déjà bien encombré. Voilà une tente montée dans le jardin, les enfants qui dorment dedans avec leurs copains et partent à vélo quand bon leur semble. Voilà les soirées tièdes où tu bois ton café sur le muret, face au havre, en regardant la mer monter et le soleil disparaître. Le même muret où quelques années auparavant, tu photographiais -un brin désespérée- le moindre signe de vie: des campanules qui s’obstinaient à fleurir là où il n’y avait plus rien. Le muret aussi où les enfants lisaient des BD, vestiges d’une autre époque (ma propre enfance), quand la maison était encore inaccessible. Et te voilà, toi, à t’émerveiller chaque matin de cette vue sur le havre, toujours changeante, et à traîner le soir dans la grève ou près du ponton. La lumière n’est jamais la même; la hauteur de l’eau non plus. Certains soirs par grands coefs, quand le havre se transforme en lac, le spectacle se suffit à lui-même. (Tu sors quand même ton smartphone, affreuse geek que tu es, pour partager un peu de la magie de l’’instant avec tes amis Facebook et Instagram). Les enfants inventent des jeux au bout du ponton, des devinettes qui durent des heures. On pourrait y jouer ailleurs, n’importe où, oui mais c’est LÀ qu’il faut que ça se passe. On joue aussi à frôler l’eau avec les roues des vélos; après il y a les maniaques qui rincent les rayons à l’eau claire, et les autres insouciants qui roulent dans la vase et reviennent entièrement gris. On s’en fout, ça part. Là-bas, il te faut tout au plus quelques livres, une brosse à dents, un maillot de bain (un appareil photo), et l’été peut passer. Parfois on se hasarde sur la « route touristique », mais dès la Sienne franchie, c’est déjà un autre pays; la côte n’est plus la même; les havres se suivent et ne se ressemblent pas. On va saluer Stéphanie, la bergère des temps modernes, en s’étonnant de ce qui a pu l’amener là. Ou bien on descend jusqu’à Granville, où on retrouve des repères, le souvenir d’autres vacances encore plus lointaines. Et puis le soir on rentre au port... On a du mal à l’imaginer, mais cet endroit paisible qui change au rythme des marées a été autrefois le plus grand port de commerce du coin. Eh oui. Maintenant c’est juste assurément ton port d’attache à toi, là où tes racines puisent dans l’eau salée pour repartir, et revenir sans cesse. Et puis il y a les dunes aussi -il faut m'arrêter, ou je continue des heures... Les dunes refuge depuis toujours de tous mes chagrins même ceux inconsolables (après un moment dans les dunes, éventuellement sous la pluie ou sous l'orage, même si ça ne va pas parfaitement bien, c'est toujours mieux qu'avant, c'est comme ça), les dunes de la plage "où on s'est marié" (dixit Louis, petit), les dunes où il nous arrive aussi de juste nous poser en vacanciers lambda, ou de revenir le soir, à marée haute, se baigner et être seuls au monde. Ou juste regarder le soleil se coucher.

DSC_1852

Je voudrais remercier toutes celles avec qui j’ai eu des échanges sur les liens familiaux, les maisons de nos passés, les figuiers, Paul et Astrid (Minelle!). Le temps fait son oeuvre, rien n’est forcément comme on l’imagine, mais on s’étonne soi-même d’être toujours là, en vie, parfois encore plus qu’avant. Je suis toujours là, toujours envahie de doutes et d’hésitations, mais ayant résisté aux tempêtes, et peut-être moins désespérée qu’avant. 
Je suis là et même, je vous attends, les amis de passage! Parce que même dans cette maison en désordre, avec cette famille bancale, on sait recevoir (certains en ont fait l’expérience!). On trouvera toujours un citron vert, du sucre de canne et une rasade de Bologne pour trinquer à nos vies bizarres, et au pire, vous dormirez dans le jardin!
C’est peu dire que j’ai aimé l’été de mes quarante ans. Et les autres à venir.
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Commentaires
M
je suis heureuse de lire ça<br /> <br /> heureuse pour toi
D
En te lisant, je revois la maison que j'avais reconnue sans difficulté qd j'étais passée la-bas au hasard. Et je comprends ton émotion dans ce havre.
P
merci pour cet arrêt sur image, un peu nostalgique ou simplement bercé par les flux et reflux de notre vie qui n'en finit pas de battre , plus forte que les tempêtes ou les apparents calmes plats. Modiano est le poète de la mémoire ciselée dans sa dentelle des rues de Paris et toi d'autres lieux
C
Et bien voilà une magnifique déclaration d'Amour... à vous, à ceux qui vous entourent, aux lieux, à la maison, au passé et au présent. .. à la vie quoi !<br /> <br /> Superbe et quel bel hommage à cette région que j'adore<br /> <br /> belle journée et merci
H
Je sentais bien que ce n'était pas une période facile... Bon allez, c'est encore un peu l'été, fais le plein de soleil!!
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